Le processus de paix en RDC et ses limites occupent une place centrale dans les efforts diplomatiques régionaux. Malgré des avancées, de nombreux défis persistent.
Depuis plusieurs mois, l’Angola s’efforce de jouer un rôle de médiateur dans la crise qui secoue l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le président João Lourenço multiplie les initiatives diplomatiques pour tenter de rapprocher Kinshasa et Kigali, deux acteurs clés du conflit. Fin novembre, une étape importante a été franchie avec l’adoption d’un « plan harmonisé » par les ministres des Affaires étrangères rwandais et congolais.
Les contours du plan de paix angolais
Ce plan prévoit notamment :
- Des opérations militaires contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé présent en RDC
- La fin des « mesures défensives » du Rwanda dans l’est du Congo
- Un cessez-le-feu entre les parties
L’objectif de Luanda est d’obtenir un accord politique au plus haut niveau entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Un sommet a d’ailleurs été annoncé pour le 15 décembre dans ce but.
Cependant, le processus de paix en RDC se heurte à plusieurs obstacles majeurs qui limitent son efficacité et sa portée.
Les limites du processus de Luanda
L’absence d’acteurs régionaux clés
Une critique récurrente concerne l’absence dans les discussions de pays voisins comme l’Ouganda et le Burundi, pourtant impliqués dans le conflit. Le Burundi a notamment déployé plusieurs milliers de soldats aux côtés des forces congolaises pour combattre le M23.
Cette mise à l’écart comporte des risques :
- Elle prive le processus de paix d’acteurs influents
- Elle peut pousser ces pays à jouer un rôle de « spoiler » pour entraver les négociations
- Elle ne permet pas de prendre en compte la complexité des relations entre pays de la région
Selon Onesphore Sematumba, chercheur à l’International Crisis Group, « en se rangeant du côté de Kinshasa, les autorités burundaises ont rendu la situation encore plus complexe. Ils exacerbent les tensions et règlent leurs propres comptes sur le terrain ».
La dimension économique négligée
Le processus de Luanda se focalise essentiellement sur les aspects sécuritaires du conflit, au détriment de sa dimension économique pourtant cruciale. De nombreux observateurs soulignent que l’accès aux ressources minières de l’est de la RDC constitue un moteur important des tensions régionales.
Selon Zobel Behalal, expert en crime transnational organisé, « le processus de Luanda ne peut malheureusement pas déboucher sur une solution durable car il est muet sur le facteur le plus structurant du conflit, à savoir l’économie illégale qui permet à tous les acteurs de s’enrichir ».
Les chiffres sont éloquents :
Pays | Augmentation des exportations de coltan (2023) |
---|---|
Rwanda | +50% |
La cité minière de Rubaya, qui représente environ 15% de la production mondiale de coltan, est passée sous le contrôle du M23 en mai 2023. D’après l’ONU, ce commerce rapporterait au groupe armé près de 300 000 dollars par mois.
Un narratif contesté
Certains critiques reprochent au processus de Luanda d’accréditer le narratif rwandais sur le conflit. Kigali justifie en effet ses « mesures défensives » par la nécessité de lutter contre la menace que représenteraient les FDLR pour sa sécurité.
Pour Onesphore Sematumba, « Kigali a réussi à placer le curseur sur la question des FDLR. Je ne dis pas que le problème n’existe pas, mais en faire l’alpha et l’oméga de la situation dans l’est et des négociations, et en faire un préalable au départ de l’armée rwandaise, c’est tout simplement aberrant ».
Les défis persistants du processus de paix en RDC
Malgré ces limites, le processus de Luanda a le mérite de maintenir un canal de dialogue entre la RDC et le Rwanda. Le « plan harmonisé » adopté en novembre est vu par certains comme une première étape indispensable pour rétablir la confiance entre les deux pays.
Néanmoins, de nombreux défis restent à relever :
- La question du M23, dont la zone de contrôle dépasse désormais la superficie du Rwanda
- La persistance des combats sur le terrain, malgré le cessez-le-feu
- La méfiance qui continue de régner entre les protagonistes
- La complexité des enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources naturelles
Le processus de paix en RDC et ses limites illustrent la difficulté de résoudre un conflit aux ramifications multiples. Une approche plus inclusive, prenant en compte l’ensemble des acteurs régionaux et les enjeux économiques sous-jacents, semble nécessaire pour espérer une paix durable dans la région des Grands Lacs.